Ecophyto : les TC ne doivent rien lâcher

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bENJAMIN VIGUIER

bENJAMIN VIGUIER

CONSULTANT FORMATEUR

Agrodistribution 12/02/204

Face à la mise en pause du plan Ecophyto, les équipes terrain ne savent plus quelle posture adopter. Pourtant, elles doivent d’autant plus rester au cœur des transformations que si le conseil phyto leur revient à nouveau, elles pourraient voir leur responsabilité accrue.

 

Le gouvernement a décidé de mettre en pause le plan Ecophyto, et le moins que l’on puisse dire, c’est que des réactions diverses ont émergé sur le terrain. En l’espace d’une semaine d’accompagnement terrain, j’ai eu le « je vous avais bien dit que cela ne tiendrait pas » et le « on est en train de faire un pas en arrière de géant ».

 

Que signifie cette pause pour la distribution agricole ?

Commençons par le commencement : depuis le début, le plan Ecophyto, malgré ses objectifs ambitieux, a été critiqué pour sa complexité d’exécution et, surtout, pour ses impacts sur la productivité et les revenus des agriculteurs. Couplé au fait que la France continue d’importer des produits agricoles qui ne respectent pas les mêmes normes de production, l’on comprend aisément les tensions que cela occasionne pour les agriculteurs français.

Mais du côté des équipes technico-commerciales de la distribution agricole, l’annonce du gouvernement envoie finalement des signaux mitigés. D’une part, la pause pourrait être vue comme un soulagement temporaire, allégeant la pression sur les agriculteurs dans un moment particulièrement tendu « d’effet ciseaux » au niveau des marchés.

D’autre part, elle risque de saper l’élan vers l’adoption de pratiques plus durables, renforçant potentiellement le scepticisme de ceux qui résistaient au changement en nous engluant dans des modèles de production qui devront de toute façon évoluer.

Une épée à double tranchant

Le rôle des technico-commerciaux est crucial dans ce scénario. Chargés de guider, d’accompagner les agriculteurs à travers cette transition, ils se retrouvent à naviguer dans un champ de mines d’incertitude et de doute.

La suspension du plan Ecophyto est donc une épée à double tranchant. Bien qu’elle puisse offrir un répit à court terme, et un espoir de déboucher sur une approche mieux construite et plus pertinente de la question environnementale, elle soulève des questions significatives sur l’avenir de l’agriculture durable en France.

Alors que peut-il se passer ?

Je me risque au jeu des prévisions. La pause actuelle vise à réduire la pression exercée sur les agriculteurs. C’est une certitude. Mais la volonté du législateur d’avancer sur ce sujet est réelle et je ne pense pas qu’il y ait de retour en arrière prévu.

Du coup, cette pression pourrait se reporter sur d’autres acteurs que les agriculteurs eux-mêmes. La question à se poser est : sur qui ? La réponse la plus probable est : sur les vendeurs de produits phytosanitaires ! Le meilleur parallèle que l’on puisse trouver, c’est ce qu’il s’est passé pour la sécurité routière.

Accrochez vos ceintures !

Le législateur a tout d’abord imposé aux conducteurs le port de la ceinture de sécurité à l’avant, puis quelques années plus tard à l’arrière. Le renforcement des contrôles par les autorités et l’introduction de sanctions financières pour les contrevenants a joué un rôle dissuasif important au début.

Puis, les obligations se sont dirigées sur les constructeurs automobiles avec l’obligation pour eux d’intégrer des systèmes de rappel de ceinture de sécurité dans les véhicules, ce qui a été renforcé au fil des années. Bref on a eu un report de la pression exercée sur les automobilistes vers les constructeurs.

Il y a fort à parier qu’il se passe la même chose sur l’usage des produits phytosanitaires : on peut imaginer un retour du conseil dans le giron des « vendeurs », mais avec au passage un transfert de responsabilité accompagné d’une obligation de résultat sur l’usage des produits et leur réduction !

Rester sur la voie d’une agriculture durable

Les équipes terrain doivent donc continuer à s’intéresser à ces sujets sans les subir, car elles vont être au cœur des transformations et probablement avec une responsabilité accrue sur ces sujets.

Pour ceux qui cherchaient un sens à leur métier, je crois qu’il est tout trouvé : participer à la reconstruction d’une agriculture française qui nourrit, qui respecte et qui dure ! Il semblerait qu’il y ait du travail.