Comme le montrent les témoignages des entreprises de ce dossier (pp. 32-38), les TC font souvent l’objet d’une attention particulière dans les plans de développement des compétences, étant en première ligne sur le terrain. Et les managers de proximité, dont l’adhésion est cruciale, peuvent faire partie du voyage. Spécialiste de l’accompagnement des équipes terrain, Alain Baraton estime essentiel de « connecter le processus de formation à celui du management du changement pour que la formation soit utile. Et ce, dans une approche individuelle, car certains TC ont besoin d’exprimer leur colère ou désarroi à la suite du choix de la vente en phytos, alors que le conseil était souvent leur raison d’être. »

Le sujet est sensible et de nouveaux enjeux sont à relever avec des entreprises qui pourraient, pour certaines, basculer vers le conseil en phytos dans l’avenir, étant à ce jour deux à avoir fait ce choix (Euralis, Limagrain). Toutefois, quelle que soit l’option prise, on observe la remise en lumière de l’approche globale, amplifiée avec la montée en puissance de l’agroécologie, la biodiversité, l’énergie, la valorisation des données et de l’adaptation incontournable aux évolutions climatiques. Et, dans l’idéal, tout cet ensemble serait à structurer dans une politique de filières pour aller chercher de la valeur ajoutée. « Je suis souvent appelé par des entreprises pour former leurs conseillers, relate Frédéric Robert, responsable de la plateforme agroécologie du lycée d’Auzeville (lire ci-contre). En échangeant, elles se rendent compte du besoin de clarifier leur stratégie afin d’intégrer la formation dans une approche plus complète. Par exemple, si on forme aux biosolutions dans le cadre d’une filière HVE, derrière, le conseiller va être conforté dans son argumentaire avec l’agriculteur car il est là pour vendre et acheter. »

Le marché de la formation voit fleurir de nombreux contenus pour accompagner les changements de pratiques et les nouvelles postures commerciales. Soit dans des parcours complets pouvant déboucher sur une certification comme celui de LCA Solutions + ou dans un cursus plus commercial du côté d’Asfona (lire encadré). Soit dans des formations spécifiques, à l’image de celle sur le désherbage mécanique d’Agrobio 35, qui a organisé sa première session pour les techniciens le printemps dernier et propose son module d’e-learning composé d’une cinquantaine de vidéos. Ou encore celle de l’association « Pour une agriculture du vivant » qui forme des « techniciens du vivant » avec une première session démarrée fin 2020 avec cinq jours de formation initiale, complétée par de la formation continue (ateliers en ligne, visite de fermes pionnières). « Le métier va demander de fortes connaissances pour rendre simple le discours sur l’agroécologie, estime Cédric Bellec, technicien au service agronomique et l’un des techniciens du vivant du groupe Soufflet qui est membre de l’association. Nos TC sont formés à l’agroécologie pour accompagner les agriculteurs dans leur prise de risque, de façon à ne pas les mener dans une impasse. Il faut également savoir filtrer les informations pour transmettre les plus pertinentes. »

Travail pédagogique sur les services

Dans tout le panorama de formations encadrant les équipes terrain, les fournisseurs jouent aussi leur rôle, certes très orienté par leur offre produits. Certains se réorganisent, tel Bioline France qui, depuis le 1er juillet 2020, réunit les équipes semences, services et phytos des filiales d’InVivo, « pour avoir un seul interlocuteur qui va porter une solution globale à l’agriculteur par l’intermédiaire du TC », commente Frédéric Hais, directeur région Ouest. Leur rôle peut être pertinent, notamment dans l’appréhension des OAD ou tout autre service qui deviennent un des éléments essentiels des solutions portées par les TC. « Un gros travail de pédagogie est à faire. Si les TC ne sont pas à l’aise avec un service, ils n’en parleront pas à l’agriculteur, explique Frédéric Gaucher, ingénieur services Bioline France. Je travaille souvent avec le référent technique pour démystifier les outils. En agriculture de précision, on arrive à embarquer deux à trois TC sur dix ; c’est un travail de long terme et nous repassons tous les ans en faisant témoigner des TC utilisateurs. Il y a du chemin à faire. »

Projet d’un CQP conseil

La montée en compétences pose d’ailleurs la question de sa valorisation. « La certification devient une nécessité. C’est une double preuve pour le conseiller dans le sens où elle le valorise en regard de son métier et où elle crédibilise la qualité de la prestation dispensée aux yeux de l’agriculteur et de l’extérieur », affirme Guillaume Dyrszka, chef de projet de l’action conseil du programme de développement de La Coopération agricole et qui participe, avec la direction des Affaires sociales de LCA, au projet d’un CQP conseil, à partir du CQP TCAC (Technicien conseil aux adhérents de coopérative) en sommeil jusque-là, et qui compléterait l’offre de Solutions +, permettant ainsi de répondre aux différents profils de conseillers.

La question peut aussi se poser au niveau de l’évolution de la formation initiale pour intégrer les changements en cours. Dans ce sens, LCA a passé une convention avec la DGER et sept partenariats ont été établis avec les établissements agricoles. Par ailleurs, des référentiels sont en révision à l’image du BTS TC agrofourniture, assez peu connu alors que « le taux d’insertion est un des meilleurs du marché », selon Didier Boucher, inspecteur pour la DGER. Sa rénovation sera opérationnelle pour la rentrée 2022 avec un contenu renforcé autour de l’approche globale de l’exploitation, du bio et de l’agroécologie, et la possibilité de semestrialiser l’apprentissage et de le contextualiser en regard de la région du lycée. « Nous nous sommes demandé si un commercial agrofourniture avait un sens ou pas, ou s’il fallait mieux un commercial tout court qui serait formé plus tard à l’agriculture. »