C’est bien en effet l’effervescence concernant la formation des équipes des coops et négoces, avec une dernière actualité sur le joli projet de NatUp de faire monter en compétences, en agronomie, ses 70 agents technico-économiques. Et ce, à l’aide d’un programme de plus de 150 heures qui aboutira à une certification d’agronome assortie du label Badge délivré par la Conférence des grandes écoles. Pour ce projet ambitieux, la coop normande a construit le parcours de formation avec l’institut UniLaSalle qui accueillera sur son campus, pour une partie du temps d’apprentissage, les apprenants, dont la première promotion va démarrer cette année, avec l’objectif de former toute l’équipe d’ici fin 2024.

Le virage de l’agroécologie et des nouvelles technologies que prend NatUp est aussi le lot commun de nombre d’interlocuteurs accompagnant les agriculteurs dans leurs réponses aux enjeux qui se présentent. Euralis, qui a choisi le conseil en phytos, a ainsi engagé un vaste plan de développement des compétences de son pôle agricole, embarquant d’abord ses techniciens, avec l’accent mis sur leur accompagnement afin de les épauler dans l’acquisition des nouvelles postures.

À la recherche d’un mix pertinent

À la croisée des chemins, les équipes terrain ont plus que jamais besoin d’être rassurées et d’objectifs bâtis sur de nouveaux préceptes. Des réflexions sont menées sur leur réorganisation dans un contexte de séparation conseil et vente en phytos, et surtout d’élargissement du champ des services à l’agriculteur. Avec l’accompagnement à la prise de risque, crucial face aux changements de pratiques à opérer. C’est d’ailleurs un module de la formation de la chaire Bio4 Solutions conçue pour épauler les techniciens dans la diffusion des biosolutions. Autre problématique : comment optimiser l’organisation afin qu’un même homme ne porte pas seul une mission toujours plus complexifiée et étoffée ? La façon dont les équipes sont accompagnées fera la différence. Le groupe Carré vient ainsi d’accueillir son nouveau coach en agronomie, exprimant son souhait de renforcer l’expertise de son équipe. Le réseau de consultants Motival fait également du coaching un des points forts de ses prestations. « En période de changement, on arrive aux limites de ce que l’on peut faire en salle. Il faut alors aller sur le terrain éprouver ce qui a été étudié », explique Benjamin Viguier, formateur consultant (lire ci-contre).

Le projet de NatUp reflète en fait les tendances qui émergent aujourd’hui autour de la formation des équipes terrain, en poussant même l’exercice avec l’ouverture possible à un diplôme d’ingénieur via la VAE. En effet, le nouveau parcours de LCA Solutions + fait également l’objet d’une certification. Euralis étudie cette possibilité. Et pour la chaire Bio4Solutions, le dossier est en cours d’évaluation. « Les formations diplômantes participent à renforcer l’attractivité et l’employabilité, ainsi que la fidélisation des collaborateurs », observe Raphaël Mignard, d’Arnage consultants.

D’autre part, le distanciel est entré dans les us et coutumes. NatUp l’a intégré pour une partie des heures suivies par les stagiaires. Crise sanitaire oblige, la digitalisation a en effet réalisé un énorme pas, en particulier dans le domaine des ressources humaines. Ce qui fait dire à Thibaut Boulanger, de Smag : « En deux ans de temps, la formation n’a plus rien à voir. » Smag a, pour sa part, lancé sa plateforme virtuelle Smag Academy en novembre 2020, qui a déjà vu plus de 300 TC venir suivre un parcours sur l’utilisation de l’outil ou la façon de vendre des solutions aux agriculteurs. Assistant chef de marché services chez Soufflet, Nicolas Bastien est devenu un adepte de cette plateforme qui « permet de se former en toute autonomie, de bien gérer son temps et propose une formation homogène pour tous. Toutefois, il faut être vigilant à l’animation pour que les équipes suivent. »

Aujourd’hui, les entreprises recherchent un mix pertinent pour établir les cursus de formation. Raphaël Mignard souligne « la transformation du modèle de formation entre l’élargissement du champ de compétences, les nouvelles attentes des agriculteurs et les modalités de formation. » Et il remarque que « l’on quitte un côté obligatoire pour aller vers une formation au vrai rôle de levier stratégique dans la période de transformation actuelle ».

Un groupe de travail « compétences »

Une formation appelée à devenir plus personnalisée et offrant davantage d’autonomie grâce à la digitalisation et à l’évolution de son financement avec le CPF, depuis la loi sur l’avenir professionnel. « Les collaborateurs doivent davantage se prendre en main pour partir en formation et aller ainsi vers une nouvelle hygiène d’apprentissage régulier », estime Yohann Lusson, responsable formation de Terrena, qui va déployer une plateforme d’e-learning avec des modules de 15 min ayant trait, notamment, au développement personnel.

Cette loi de 2018 apporte son écot dans la révolution que connaît le monde de la formation avec la remise en question, pour partie, des moyens de financement et le renforcement du rôle des Opco dans l’accompagnement des entreprises. Pour le secteur alimentaire, l’Opco Ocapiat y contribue avec un ensemble d’études et de services mis à disposition, entre autres, des coops et négoces agricoles.

Par ailleurs, un groupe de travail « compétences » a été constitué au sein de La Coopération agricole, fin 2020, réunissant le service des affaires sociales, LCA Solutions +, la branche métiers du grain, le responsable du développement et Guillaume Dyrszka, qui est chef de projet de l’action conseil du programme de développement de LCA. Ce groupe de travail s’intéresse à la fonction de conseiller en coordonnant les réflexions et actions autour de ce métier en pleine évolution. Les travaux conduits par Guillaume Dyrszka ont amené à réfléchir en matière de formation à la complémentarité entre les dispositifs nationaux et les dispositifs régionaux, sur la base de partenariats locaux, notamment avec l’enseignement agricole.

Travailler des licences pro

Ainsi, la convention signée entre LCA et la DGER en 2019 se traduit par sept partenariats entre les fédérations régionales et les établissements agricoles autour de la coconstruction de projets de démonstration. « Nous souhaitons aussi travailler les profils de type licence pro du lycée d’Auzeville, Conseil en systèmes de production végétale agroécologique, qui est très recherchée. En effet, 92 % des étudiants trouvent un job et 8 % continuent leurs études », avance Guillaume Dyrszka. Cette licence pro va avoir sa réhabilitation en 2023 et être retravaillée « au regard de la séparation conseil et vente, pour intégrer un module sur l’accompagnement stratégique. Avec ce diplôme, les jeunes deviennent conseillers, référents techniques ou services. Certains sont recrutés en tant que TC pour apporter un autre regard, notamment sur des secteurs où les agriculteurs sont très techniques », commente Frédéric Robert, un des initiateurs de cette licence.

Des entreprises collaborent d’ailleurs avec des écoles. Ainsi, Euralis fonctionne avec Purpan autour de son projet d’anticipation. NatUp fait route commune avec UniLaSalle pour son nouveau parcours en agronomie. Terrena marche avec Audencia et le Cnam pour son école de management, et Eureden avec Rennes School of business pour ses formations managers. Des écoles internes aux entreprises existent également ; d’autres se montent, à l’image de Lorca qui a lancé en début d’année son campus pour réaliser des formations sur mesure, avec 76 personnes qui l’ont intégré pour une formation managériale conduite avec l’institut Albert Mansbridge, qui porte la certification de ce cursus.