Nous sommes dans les premières minutes d’une formation de technico-commerciaux de la distribution agricole. Un petit groupe de huit TC est invité à réagir et à échanger sur le contexte de marché et le quotidien. L’un d’entre eux évoque le management ou plutôt l’absence de management : « Sincèrement, je ne sais pas ce que fait mon responsable de région. Je crois qu’il ne sert plus à rien. »

Les mots sont durs. Mais ils sont lâchés avec sincérité et sans animosité. Tel un simple constat. Aux yeux de leurs TC, les responsables de région seraient englués dans des tâches administratives de contrôle et de reporting. Ils seraient sollicités essentiellement pour gérer des problèmes. De plus en plus loin du terrain, ils n’apporteraient finalement plus aucune valeur ajoutée…

Entre le marteau et l’enclume

En même temps, si on demandait à un responsable de région de hiérarchiser les tâches sur lesquelles il passe le plus de temps, pas sûr que l’on soit très éloigné du constat des TC. Pas sûr non plus qu’il vive bien cette situation entre « le marteau et l’enclume » :

  • porter et assumer des décisions d’entreprise auxquelles lui et ses collègues ne sont pas toujours associés ;
  • constater un regard différent de la part d’anciens collègues pour être devenu manager et avoir « changé de camp » ;
  • être confronté à longueur de journée à la résolution de problèmes toujours plus urgents ;
  • et au final devoir accompagner son équipe dans le changement et lutter contre les habitudes.

Tout un programme. Et si on ajoute à cela une vision du management parfois un peu trop « traditionnelle » dans laquelle le manager doit être celui qui doit à tout prix endosser l’autorité et la discipline, on peut arriver à de vraies cassures entre le management de proximité et le terrain. Il semble donc urgent et important d’accompagner les managers de proximité afin qu’ils se recentrent sur leurs missions principales : donner du sens, développer les équipes et piloter l’activité.

Formuler une vision inspirante

Cela fait plus de deux ans que l’on parle quotidiennement d’EGalim, de séparation conseil et vente, de ce que cela change dans la relation avec les agriculteurs. Et pourtant certains TC n’ont pas encore réellement compris pourquoi leur entreprise a choisi la vente… Tout en lançant simultanément une offre de services facturés ! Bien entendu, ils s’exécutent, mais le sens de tout cela n’est pas assimilé par tous.

Les équipes méritent qu’on leur formule une vision qui les inspire, les rassure et les motive, sans se limiter à évoquer le fait qu’on va écraser nos marges phyto et refacturer de l’autre côté des services. On doit leur donner un but sur lequel chacun va pouvoir s’aligner. Il ne s’agit pas de dire les choses. Il reste à s’assurer que tout le monde l’a bien intégré et compris. Le management de proximité est alors en première ligne puisque la communication doit être continuelle (voire redondante) pour rassurer les équipes et les encourager efficacement à l’effort.

Planifier les accompagnements sur le terrain

Un manager se doit de concentrer ses propres efforts sur le développement de son équipe. Le premier rôle d’un manager est d’inciter chacun de ses collaborateurs à progresser. Et pour cela, il faut être proche des équipes : avec eux sur le terrain, dans les voitures pour maintenir l’engagement et la motivation de chacun et les faire grandir progressivement. Se couper du terrain ou n’y aller que pour gérer des conflits ou du recouvrement, c’est se rendre incapable de motiver et faire grandir son équipe.

Il s’agit donc de faire de ces accompagnements au progrès une priorité incontournable, pour les faire passer devant d’autres tâches. Pour certains, il s’agit d’accepter de prendre le risque de « retourner » sur le terrain, et pour tous, il s’agit avant tout de planifier les futurs accompagnements. Car dans un planning surchargé, tout ce qui n’est pas planifié ne sera pas fait !

On recherche de bons pilotes !

Socle du rôle de responsable de région, le pilotage de l’activité est une des principales clés de la performance collective. Dans un marché qui subit une érosion naturelle, il s’agit surtout d’imaginer et d’animer des plans de conquête. Ne pas être offensif dans un marché qui se « consume », c’est accepter d’être battu avant de démarrer. Mais pour cela, plus aucune place ne peut être accordée à l’improvisation comme à l’approximation dans le pilotage des actions terrain.

Sans pour autant verser dans le flicage, il faut savoir être exigeant et ambitieux. Pour cela, il est nécessaire d’user d’outils, comme de proximité avec les équipes. Donner les clés à son équipe pour se rendre capables d’être collectivement au bon endroit au bon moment n’a jamais été aussi important : on recherche de bons pilotes !

« Commence par changer en toi… »

Pour savoir s’il convient de réajuster ses efforts, il peut être utile pour un manager de proximité de lever le nez du guidon, de se poser et de hiérarchiser les tâches sur lesquelles il passe le plus de temps et celles qui lui semblent les plus importantes. La base restera de planifier et de focaliser ses efforts sur ce qui est important.

Mais surtout, il convient de ne pas tomber dans le piège qui consisterait à demander aux autres de changer… Sans se donner les moyens de changer soi-même ! Et comme le disait Gandhi, « commence par changer en toi ce que tu veux changer autour de toi ».

Benjamin Viguier b.viguier@www.motival.fr www.motival.fr